Parole d’entrepreneure : Nathalie Glorel, dirigeante et fondatrice d’Intersection Conseil & Création
Peux-tu te présenter et nous expliquer en quoi consiste ton entreprise ?
De formation littéraire, je suis diplômée de Sciences Po en communication / marketing. J’ai toujours travaillé dans la communication, d’abord chez l’annonceur, puis en agences de design et de pub. J’ai franchi le pas de l’entrepreneuriat en 2012, en créant Intersection Conseil et Création, une agence de conseil en communication. Je me suis d’abord lancée seule, puis, les heureux hasards de la vie m’ont amenée à m’associer avec mon frère, qui a un profil très complémentaire au mien, avec une expertise technique en édition et impression.
Nous accompagnons nos clients, principalement des TPE et PME, pour les aider à structurer et donner de l’impact à leur communication. Notre conviction est que pour être efficace, la communication d’une entreprise doit s’appuyer sur deux aspects : une bonne stratégie et une mise en œuvre impeccable.
Je suis également très engagée dans la promotion et le développement de l’entrepreneuriat au féminin parce que je suis convaincue qu’il permet de contribuer à changer le monde à notre mesure.
J’ai co-créé avec toi Elodie le Rendez-Vous des Entrepreneures en 2015, dont nous avons fêté la 41è édition en mars cette année. C’est un réseau de soutien, de formation, de networking et développement business à destination des femmes entrepreneures, créé au sein des Alumni de Sciences Po.
Je suis aussi mariée et maman d’un garçon de sept ans. Je le précise car je pense que nous sommes un tout. Il n’y a pas la vie professionnelle d’un côté et la vie personnelle de l’autre, et une muraille de Chine entre les deux.
Comment es-tu devenue entrepreneure ?
Je suis devenue entrepreneure par défaut ou par dépit.
J’étais très éloignée du milieu entrepreneurial, et rien ne me prédestinait à y entrer.
A la sortie de Sciences Po, j’ai commencé une carrière toute tracée en rejoignant une entreprise du CAC 40.
Je me suis sentie vite étriquée, par le côté monoproduit, par la structure très hiérarchisée de l’organisation, par le fait qu’il fallait rentrer dans des cases. Je me suis dit que j’étais trop jeune pour m’ennuyer.
J’ai décidé de franchir le Rubicon en passant de l’annonceur à l’agence de communication.
Cela m’a fait découvrir l’univers des PME, que j’ai adoré parce qu’il me permettait d’être au cœur de l’action. Le lien entre mon implication, mon rôle et ma contribution au développement de l’entreprise était clair : ce que j’apportais, mon impact se traduisait directement dans le chiffre de l’entreprise. Cela m’a beaucoup plu. J’ai commencé en tant que cheffe de projet et j’ai très vite évolué, jusqu’à devenir responsable commerciale. Les opportunités offertes par les petites structures sont incroyables. Pour autant, étant arrivée à ce poste, les perspectives d’évolution étaient limitées et j’ai donc cédé aux sirènes de la grosse agence de pub. Et là, j’ai tout simplement détesté. Je ne m’y suis pas retrouvée, ni dans les valeurs, ni dans le mode de fonctionnement. J’ai tenu 3 ans, puis, à deux doigts du burn out, j’ai négocié un départ.
J’avais tout juste 30 ans et le bilan n’était pas glorieux. J’étais complètement perdue, sans plan B et avec le sentiment que je n’avais pas su trouver ma place dans le monde du salariat. Grâce au dispositif qui permet de cumuler chômage et création d’activité pendant 15 mois, j’ai décidé de créer la boîte dans laquelle j’aurais adoré être embauchée, l’entreprise dans laquelle je travaillerais conformément à mes valeurs et avec les personnes que je choisirais.
Ca fait plus de dix ans que ça dure et pour rien au monde je ne reviendrais en arrière !
Qu’est-ce qui te plaît le plus dans le fait d’être entrepreneure ?
La liberté de façonner à la fois son présent et son avenir.
Le présent : en tant qu’entrepreneure, on a les mains libres pour imaginer son modèle idéal. Aujourd’hui, j’ai créé un modèle qui fonctionne en réseau, puisque je fédère une vingtaine de freelances et indépendants. Ce fonctionnement m’offre une grande liberté, et me donne le choix des personnes avec qui je travaille, aussi bien clients que partenaires. C’est ainsi que je façonne mon présent, d’une façon qui me correspond et répond à mes aspirations.
L’avenir : je le façonne aussi car l’entreprise que je gère aujourd’hui n’a rien à voir avec celle que j’ai créée il y a 11 ans. Dans 25 ans, elle n’aura rien à voir avec celle qu’elle est aujourd’hui.
Finalement, je peux évoluer sans avoir à changer de boîte : le champ des possibles est grand ouvert devant moi pour trouver vers où je veux aller, préparer l’avenir et faire en sorte qu’il me convienne.
Ce n’est bien sûr pas tout rose car les moments d’évolution sont aussi sources de déséquilibre, de doute et d’inconfort.
Quelles sont les principales difficultés auxquelles tu as eu à faire face ?
La principale difficulté était dans les premières années de concilier le temps long pour « amorcer la pompe » (fidéliser les premiers clients, construire une offre qui fonctionne, attendre que les premiers clients refassent appel à nous, …) avec mes aspirations personnelles de fonder une famille, prendre un logement plus grand, travailler moins. Les premières années de mon entreprise ont été marquées par ce décalage de temporalité et c’était très inconfortable.
Plus généralement, le plus difficile en tant qu’entrepreneure à mon sens est de gérer son énergie.
Nous sommes notre propre moteur : si on n’a pas l’énergie pour créer une nouvelle offre, signer avec un nouveau client, produire un nouveau contrat, le travail ne se fait pas sans nous. L’enjeu est donc d’entretenir cette énergie au quotidien et sur le long terme. Il faut bien souvent être à fond mais aussi savoir faire des pauses, se ressourcer, prendre du recul, prendre régulièrement des vacances, sans quoi le surmenage nous guette. Or, on ne peut pas se permettre de couler, tout simplement.
Non, un entrepreneur ne peut pas être sur le pont 24/24. Je me bats d’ailleurs au quotidien contre cette image de l’entrepreneure accroc au travail qui n’arrête jamais car je pense qu’elle est complètement contre-productive.
Plus j’avance dans l’entrepreneuriat, et plus je prends conscience que cette énergie est clef et à quel point elle doit être gérée comme un actif. Dès lors, je m’autorise à couper les relations toxiques qui me « pompent » de l’énergie, je dis non aux « mauvais clients », ceux qui changent d’avis 25 fois, ceux qui ne paient pas, non également aux partenaires avec qui la relation n’est pas fluide, j’écoute ce sur quoi j’ai envie d’aller et je privilégie toujours ce qui me donne de l’énergie.
Faire le tri, se préserver, garder du temps pour des choses qui nous font du bien, c’est essentiel. Se créer des bulles d’oxygène et inventer des moments de recharge est très important également. Je sanctuarise dans mon agenda des moments pour échanger avec d’autres entrepreneures, prendre du recul sur notre business, des moments pour me former, pour me faire coacher, pour réfléchir avec mon associé à la stratégie de l’entreprise.
Quelle est ta stratégie de développement ?
Aujourd’hui, nous avons une vraie légitimité pour accompagner les TPE et des PME dans leur stratégie de communication. Nous sommes reconnus et le business entre assez naturellement. L’objectif est donc de continuer à ce que cela fonctionne, et pour cela veiller à ne jamais diminuer la qualité ou l’attention que nous portons à nos clients. D’où la notion de « croissance modérée » qui est très importante à mes yeux, car si on grandit trop vite, il est difficile je pense de maintenir un niveau de qualité et de proximité, et nos clients le ressentent.
Pour être encore plus efficace, au-delà de l’accompagnement classique en mode « conseil », j’ai vraiment envie d’accompagner des femmes entrepreneures et dirigeantes sur le moyen terme et dans un format collectif parce que je suis convaincue de la force du groupe qui permet de surmonter les blocages et de les aider à oser se rendre visible, de façon durable. C’est pourquoi j’ai créé fin 2022 « De l’ombre à la lumière », un programme de 6 mois pour aider les participantes à faire de leur communication un outil commercial au service de leur business. J’ai lancé un premier groupe test dont les résultats ont été très concluants. Nous débutons une deuxième session en juin.
Mon objectif est désormais de développer cette nouvelle corde à mon arc en pérennisant ce programme, dont j’aimerais avoir 2 ou 3 sessions par an, tout en gardant mon activité de conseil historique. Je suis très excitée par cette perspective.
Ma communication personnelle, en tant que dirigeante, est vraiment clé dans ma stratégie de développement. Depuis un an, j’ai pris beaucoup plus souvent la parole pour valoriser le modèle entrepreneurial d’Intersection, ma vision de mon métier, et mon quotidien de femme entrepreneure. Il me semblait logique de commencer à m’appliquer à moi-même ce que je recommandais à mes clientes. Cette dynamisation de ma propre communication a porté ses fruits de façon incroyable puisque de nombreux clients et prospects me contactent pour travailler avec moi. Et ce qui est vraiment formidable, c’est que comme j’affiche clairement mon positionnement et mes valeurs, j’attire des clients qui partagent cette vision.
Toutefois, dans toute période de développement, je reste très attentive à ma boussole intérieure pour ne pas me perdre : travailler dans le plaisir, le confort et avec de l’impact. Mes clients, les sujets, les équipes que je mobilise, la méthode de travail, sont-elles sources de plaisir, de confort, d’impact ? Si oui, j’y vais. Si non, je passe mon chemin.
Quelle est ta stratégie de développement ?
Au vu de mon engagement de longue date en faveur de l’entrepreneuriat au féminin, mon conseil va plutôt concerner les femmes entrepreneures : : donne-toi les moyens de tes ambitions.
Derrière cette phrase-là, il y a plusieurs idées.
- Aie de l’ambition, la première étant de vivre, et si possible, de bien vivre de son business.
- Que ton ambition soit panoramique : confort financier, plaisir, équilibre vie pro-vie perso. Sois ambitieuse dans tes envies !
- Donne-toi les moyens : cela passe par de l’investissement sur soi : formation, coaching, inscription dans des réseaux etc car tu es le cœur du réacteur
- Entoure-toi des bonnes personnes: personne ne sait tout faire, aussi, plutôt que de penser économiser en faisant tout soi-même, entoure-toi des bonnes personnes (expert-comptable, avocat, informaticien, agence de communication, …) pour te libérer du temps et ainsi te concentrer sur ta valeur ajoutée : développer ta boîte !
- Et bien sûr : ne repousse pas à demain le moment de prendre ta communication à bras le corps et fais-en un outil de développement de ton business dès maintenant !