Parole d’entrepreneure : Elena Mañeru, fondatrice de M180 et présidente de l’association Femmes de Bretagne
Je suis bretonne d’adoption : arrivée en Bretagne en septembre 2000 pour faire un Master en administration et direction d’entreprise que j’ai complété avec un M2 en RH, je ne suis jamais repartie !
J’ai travaillé dans les ressources humaines pendant 17 ans dans des secteurs variés – santé, audiovisuel et marketing relationnel – trois secteurs porteurs et novateurs où les RH avaient une portée stratégique, au-delà de leur fonction support.
En 2020, j’ai sauté le pas et créé M180, un organisme de formation qui prend soin de ceux qui prennent soin de nous. Il s’agit de former principalement des salariés du secteur de la propreté et du service à la personne ou encore d’autres secteurs comme l’agroalimentaire par exemple. Notre coeur de métier consiste à valoriser les métiers à forte utilité sociale dans le cadre d’une démarche RSE
Mon entourage m’a souvent dit que j’avais une âme d’entrepreneure avec une vision globale de l’activité. Ma formation en Administration et direction d’entreprise et mon expérience en RH m’ont certainement facilité les choses. J’ai franchi le cap grâce à ma rencontre avec l’association Femmes de Bretagne que j’ai rejoint en 2016. Le fait de côtoyer toutes ces femmes qui osent se lancer m’a inspiré. De mon côté, j’approchais de la quarantaine et je ressentais le besoin de créer une entreprise à impact social.
Le déclic a eu lieu pendant mon deuxième congé maternité, lorsque j’ai fait appel à un prestataire de services à domicile qui avait beaucoup de mal à fidéliser ses salariés et à tenir sa promesse vis-à-vis de moi. Déformation professionnelle oblige, j’ai commencé à questionner les salariés qui venaient chez moi et j’ai alors mis le doigt sur un cercle vicieux dans lequel le prestataire est en souffrance, car il est confronté à un grand turn-over et un mécontentement des clients, l’intervenant ne va pas bien car il ne se sent pas valorisé, et le client final n’est pas content.
J’ai donc entamé une étude de terrain, et je me suis rendu compte que le constat était général.
Je me suis alors demandé comment on pourrait faire pour que toutes les parties soient épanouies.
En quelques mois, l’idée a germé : permettre aux personnes qui travaillent en autonomie avec des tâches variés de prendre soin d’elles, pour qu’elles puissent améliorer leur quotidien et mieux vieillir. Les personnes que j’interrogeais pendant mon étude terrain me disaient qu’elles voulaient participer à une telle formation. C’est ainsi qu’est née M180 et notre premier module : « Ménage-toi », un parcours complet et adapté à chacun(e), qui apprend des rituels pour améliorer son quotidien (réveil musculaire, étirements, hygiène de vie).
Pour construire ce premier module et l’animer, et les suivants également, nous utilisons des techniques d’intelligence collective. Nos méthodes d’apprentissage font appel à plusieurs intelligences afin que tous les participants se sentent impliqués. On a pris en compte à la fois nos connaissances en termes de neurosciences, d’activité physique et nos remontées terrain pour créer un module global, court, accessible et très valorisant pour les gens qui le suivent.
Les résultats sont présents et visibles à plusieurs niveaux.
Tout d’abord, en termes de fidélisation et de valorisation : les formations proposées sont vécues comme des cadeaux puisqu’elles ne sont pas obligatoires et qu’elles prennent soin de la personne.
Nous constatons également une diminution de l’absentéisme au travail. Nous suivons les personnes formées pendant un an après la formation et les indicateurs nous montrent que cette formation a un vrai impact dans la durée.
Nous répondons à un besoin existant en valorisant les métiers concernés et en diminuant les coûts pour la société (notamment liés à l’absentéisme). Ainsi, nous nous inscrivons exactement dans une logique de sobriété, dont on parle tant en ce moment.
Aujourd’hui, la société est composée 6 personnes et nous proposons à ce jour 5 modules sur toute la France.
Je voulais créer une entreprise à fort impact social, qui puisse perdurer au-delà de moi. Dès lors, la raison d’être de M180 s’est imposée comme une évidence : « valoriser les métiers à forte utilité sociale dans le cadre d’une démarche RSE ». J’ai trouvé génial de pouvoir inscrire dans les statuts cette intention. Faire le choix de créer une entreprise à mission n’est pas neutre puisque cela s’accompagne d’engagements non négligeables (notamment la création d’un comité de mission, la réalisation régulière d’audits qui ont un coût pour l’entreprise). Pour autant, je trouve cela très positif car c’est un engagement dans la durée vis-à-vis de nos partenaires et salariés.
La liberté de tout : de créer une entreprise qui correspond à mes valeurs tout en étant rentable, de développer et recruter comme je l’entends, de faire les horaires que je veux.
Le plaisir d’avoir un impact que je peux suivre concrètement également.
Le décalage entre les belles paroles, notamment des organismes d’Etat, et la réalité. Alors que les pouvoir publics ne cessent de parler d’achats responsables ou d’éthique financière, la réalité est tout autre. Face aux délais de paiement à rallonge de la part des Opco – organismes collecteurs de la taxe de la formation professionnelle – qui nous paient, une jeune entreprise comme M180 doit avoir les reins solides pour tenir en termes de trésorerie.
J’ai une stratégie de diversification, tant du point de vue des cibles, pour ne pas dépendre d’un seul Opco, que des formats et des formations.
Mon équipe est hybride, composée à la fois de salariés et de partenaires indépendants. Je suis convaincue que ce modèle de développement est le plus adapté pour permettre aux entreprises flexibilité et agilité, des conditions indispensables pour faire face aux aléas inhérents à la vie de l’entreprise et à la conjoncture économique.
Je vais reprendre cette phrase de Pierre Rabhi que j’adore : « c’est dans les utopies d’aujourd’hui que sont les solutions de demain ». Faites-vous confiance ! Entourez-vous d’un réseau et n’ayez pas peur de parler de votre idée.
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