Parole d’entrepreneure : Laurence Elong Mbassi, associée fondatrice de Lem & Co

Parole d’entrepreneure : Laurence Elong Mbassi, associée fondatrice de Lem & Co

Pouvez-vous vous présenter ?

Je suis avocate depuis une quinzaine d’années. J’ai commencé comme avocate spécialisée en fiscalité internationale au sein d’un cabinet anglo-saxon à Paris. Très rapidement, j’ai rejoint le département Afrique d’un autre cabinet anglo-saxon. Depuis ce temps-là, j’ai une activité exclusivement tournée vers ce continent. J’accompagne des entreprises, des projets, des investisseurs qui souhaitent se déployer en Afrique de l’Ouest, Centrale et au Maroc. Il y a quelques années, je suis partie au Ghana pour y développer mes activités. Durant 6 ans, j’ai bâti une superbe équipe là-bas. Lem & Co est né de l’envie d’aller plus loin et de stabiliser une équipe francophone, de me rapprocher de clients qui sont en Europe tout en capitalisant sur le travail qui a été fait à Accra. J’ai donc fait le choix stratégique de baser mes activités à Paris, car on y trouve de nombreux talents qui peuvent nous aider à nous développer sur l’Afrique francophone tout en conservant l’équipe au Ghana car je considère ce pays comme une porte d’entrée vers l’Afrique anglophone.

 

Comment êtes-vous devenue entrepreneure ?

Alors que j’étais encore jeune avocate, j’ai été chassée par un cabinet de niche qui voulait que je développe leur département Afrique. A l’époque, je me souviens m’être dit : « c’est un vrai challenge : cela va me permettre de développer tout le côté commercial et de choisir le type de clients et de projets que je veux accompagner sans avoir les contraintes d’un gros cabinet. » C’est très formateur, il est vrai, de travailler dans un gros cabinet anglo-saxon, on y voit beaucoup de très gros projets, très intéressants, très techniques et stimulants. Mais on se retrouve également souvent confrontés à des problématiques de conflits d’intérêts, ou à ne pas pouvoir travailler sur des dossiers jugés comme non rentables. Quand on commence à travailler pour un client sans pouvoir aller au bout du dossier, cela devient très frustrant. Travailler dans un cabinet de plus petite taille permet, à l’inverse, de créer et de développer des liens de manière différente avec ses clients. C’est ce qui m’a poussée à accepter l’offre de ce cabinet de niche. J’allais pouvoir me déployer dans une structure qui me donnerait de la flexibilité et en même temps, mettre à l’épreuve ma capacité à développer une activité. Cette expérience a été finalement le prélude à mon parcours d’entrepreneure.

 

Qu’est-ce qui vous plaît le plus dans le fait d’être entrepreneure ?

Tout d’abord, le fait d’avoir un projet d’entreprise qu’on peut partager avec une équipe et l’amener où l’on veut, que ce soit dans les bons moments ou dans les moments plus difficiles, est assez gratifiant.

Ensuite, l’opportunité d’accompagner des dossiers auxquels je crois, à un stade plus naissant parfois que ce que l’on peut se permettre dans un plus gros cabinet. Je pense notamment à des projets d’infrastructures qui sont en phase de développement et qu’il faut accompagner de manière agile et flexible. Quand on est à son compte, on est libre de choisir ses clients, d’en refuser certains ou encore de consentir à un effort financier pour accompagner des projets auxquels on croit. Le fait d’avoir mon cabinet me permet d’être alignée avec mes clients, de pouvoir dire non, tout en ayant l’ambition de travailler sur des dossiers importants, ayant un vrai impact en termes de développement économique du continent.

Enfin, j’apprécie le fait que, dès lors que la confiance des clients est installée, tout devient possible. Ainsi, par exemple, plusieurs clients m’ont sollicitée pour travailler sur des métiers qui ne sont pas les miens (conseil financier, expertise comptable, expertise en ressources humaines). Ils m’ont demandé de monter une équipe pluridisciplinaire que je coordonne, et de rester leur interlocutrice pour l’ensemble de leur projet. Au-delà de mon rôle d’avocate, je deviens finalement agrégatrice de compétences que je sélectionne, fédère et pilote en fonction des projets. On peut avoir peur de s’enfermer en rejoignant une petite structure mais ce genre d’exemples montre à quel point c’est en fait exactement l’inverse qui se produit.

 

Quelles sont les principales difficultés auxquelles vous avez à faire face ?

 Etre sur tous les fronts ! Gérer à la fois les aspects financiers, RH, process, techniques, prospection, communication, en plus bien sûr de faire son métier d’avocat est une difficulté en soi. Et je ne parle pas des aspects personnels et familiaux ! Je suis en train de mettre en place progressivement une équipe support à Paris pour m’y aider et le fonctionnement de notre cabinet est très digitalisé afin de gagner en efficacité, faciliter la communication interne, favoriser le travail collaboratif et permettre à nos partenaires extérieurs d’accéder à nos outils.

Une autre difficulté consiste à être patient et accepter que la réputation se construise dans le temps. On a souvent l’impression que les choses ne vont pas assez vite.

 

Quelle est votre stratégie de développement, comment a-t-elle évolué avec le temps ?

 Notre objectif est de devenir un cabinet de référence sur l’Afrique avec un modèle unique de développement basé sur la mise en valeur de talents venant de cultures juridiques différentes. L’idée est de former une équipe qui pourra tout à fait pérenniser le cabinet dans un modèle qui soit entre l’Afrique francophone et l’Afrique anglophone, avec une attention particulière portée aux échanges entre les deux cultures juridiques.

J’aimerais que Lem & Co soit le cabinet où j’aurais aimé travailler quand j’ai commencé et que les jeunes collaborateurs soient heureux d’être là. Cela sous-entend d’arriver à grossir tout en gardant cette proximité pour les clients et toute leur confiance. Il faut donc faire les choses progressivement et avoir en tête qu’il y a peut-être aussi une taille critique à ne pas dépasser pour garder une certaine humanité et nos valeurs. De la croissance oui mais avec de l’humain et de la formation pour amener des équipes à travailler ensemble même lorsqu’elles viennent de parcours différents.

La notion d’équipe est fondamentale pour moi. Mes collaborateurs me font confiance et j’ai confiance en eux. Je n’ai jamais conçu de me mettre à mon compte seule et que cette aventure s’arrête avec moi. C’est pour cela que je mets mes équipes en avant et que tous mes clients les connaissent. On n’apprend pas tout simplement si on n’est pas directement confronté aux clients. C’est important de ne pas être indispensable ce qui n’enlève rien à la compétence.

 

Si vous deviez donner un conseil à quelqu’un qui doit se lancer ?

Etre entrepreneur pour moi, ce n’est pas forcément être à son compte, c’est avant tout un état d’esprit. A terme, j’aimerais être entourée d’une équipe dont les membres sont dotés de cet état d’esprit, qui ont des idées sur la stratégie à mener et qui puissent déployer leur potentiel entrepreneurial au sein d’un cabinet comme le nôtre.

La première question à se poser est donc :  est-ce que je peux me déployer dans cette équipe ?  Le projet est-il aligné avec ce que je veux faire ?

Si on décide de se mettre à son compte, je pense également qu’il faut mûrir son projet de façon dépassionnée. Se lancer parce qu’on en a assez de son patron, parce qu’on a envie de liberté, c’est bien, mais cela peut être aussi très naïf. Les devoirs et obligations en tant qu’entrepreneur sont immenses, vis-à-vis des clients, des équipes, des prestataires. Il faut bien mûrir son projet en amont pour ne pas se lancer de façon irréfléchie et s’assurer qu’on a les capacités suffisantes pour investir et s’entourer des bonnes personnes, conditions indispensables selon moi pour conduire au succès, sans quoi on peut aussi se précariser.

 

Nous remercions Laurence et vous invitons à suivre ses actualités sur son site web ou via son profil Linkedin.