Parole d’entrepreneure : Christine Méjean, fondatrice du cabinet Abyl avocats

Parole d’entrepreneure : Christine Méjean, fondatrice du cabinet Abyl avocats

Quel est votre métier ?

J’ai commencé ma carrière en tant qu’ingénieure financière pendant près de 10 ans, notamment au sein du groupe Orange, avant de devenir, il y a une dizaine d’années, avocate en droit pénal des affaires. Au-delà de cette expertise technique, je mets aussi aujourd’hui au service des entreprises mes compétences de coordination, stratégie et innovation de manière à apporter une vision et un suivi interdisciplinaire, entre les différentes matières du droit et de la finance. C’est dans cette optique que j’ai créé Abyl, un cabinet d’avocats fédérateur d’expertises du droit et du chiffre et promoteur d’une culture de la coopération, pour apporter une réponse aux besoins de plus en plus complexes des entreprises, avec agilité et efficacité. Au sein d’Abyl, je coordonne ainsi le travail d’avocats indépendants de spécialités différentes, d’auditeurs et/ou d’experts comptables. C’est un peu le modèle des Big Four, avec un réseau d’indépendants. C’est pour donner les moyens à ces indépendants de le rester tout en bénéficiant des effets positifs du collectif qu’est née ABYL COOP. C’est une communauté fondée sur des valeurs fortes d’authenticité, de respect et de partage sur laquelle les professionnels peuvent s’appuyer pour développer leur spécialité et l’exercer en coopération avec d’autres sans aller jusqu’à l’association ou la collaboration telle qu’elle s’entend traditionnellement dans les cabinets. Au sein de cette communauté, ils ne sont pas contraints par d’autres lois que les valeurs partagées et peuvent donc, en toute transparence et liberté, faire leurs choix et prendre leurs décisions en matière d’organisation, d’activité, de missions.

 

Comment vous est venue l’idée de cette structure de coopération ?

Je suis partie de ma propre expérience. En choisissant de rester ultra-spécialisée dans le domaine du pénal des affaires, j’ai été confrontée aux questions suivantes :  comment avoir suffisamment de dossiers centrés sur mon expertise, sans m’appuyer sur une structure traditionnelle de cabinet ? Comment faire en sorte de ne pas prendre de dossiers ne portant pas sur mon expertise ? La coopération entre indépendants m’est alors apparue comme une évidence. S’appuyer sur un réseau d’experts solides et de confiance que je peux mobiliser lorsque des questions soulevées par un dossier dépassent mon champ de compétence et qui, de la même façon, font appel à moi pour mon expertise, me permet aujourd’hui de rester centrée sur ma valeur ajoutée. Cela me donne la liberté de ne pas accepter des dossiers sur lesquels je n’ai pas de compétence technique, et j’ajouterais également, une adéquation dans l’état d’esprit. C’est toute la spécificité et la beauté de la coopération qui permet d’allier réalisation de l’individu et d’un collectif au travers d’une œuvre commune !

Je me suis toutefois rapidement rendu compte que cette culture de la coopération n’était pas forcément évidente pour tous, qu’elle n’était pas répandue au sein de l’univers professionnel où ce sont les relations d’autorité qui prévalent le plus souvent. Pour promouvoir cet état d’esprit, j’ai donc jugé utile et important de créer une communauté et de sensibiliser à ces pratiques. C’est tout l’objet de la création des RDV en 2017 (RDV des Avocates, puis de l’Interpro*), aujourd’hui intégrés à l’univers ABYL COOP qui comprend webinars, rendez-vous, programmes de codéveloppement, partenariats de services d’accompagnement. Être intégré et évoluer au sein d’un collectif solidaire et de confiance permet au professionnel de se développer plus sûrement et sereinement !  C’est aussi dans ce but que j’ai cofondé en 2020 le réseau d’avocates 1900, avec en plus, un petit supplément d’âme : mon engagement en faveur de la promotion des femmes dans nos professions, pour qu’elles prennent toute leur place, y déploient tout leur potentiel et participent à leur transformation vers un univers plus ouvert et de ce fait encore plus performant, dans le bon sens du terme !

 

Pourquoi êtes -vous devenue indépendante et qu’est-ce qui vous plait le plus dans le fait d’être entrepreneure ?

En ce qui me concerne, le travail a toujours été lié à une réalisation personnelle. Retrouver du sens, me rapprocher du besoin réel de l’humain, ne pas être contrainte par des normes comme le présentéisme que je trouve tout à fait contre-productif, retrouver de l’indépendance au quotidien sont autant de raisons qui m’ont poussée à me mettre à mon compte.

Ce qui me plait le plus dans l’entrepreneuriat ? Le fait d’être libre et maître de mon temps et de mon impact, de ce que à quoi je contribue auprès de mes clients, et de la société en général, des services que j’apporte, des sujets sur lesquels je travaille mais aussi du choix de mes partenaires, de l’écosystème qui m’entoure. J’aime beaucoup également le fait d’être sur un chemin de progression. Un chemin sur lequel il faut savoir apprécier les réussites, et transformer les échecs, sachant que, lorsqu’on est entrepreneur, on est directement confronté à ses propres décisions et leurs conséquences.

 

Quelles sont les difficultés principales auxquelles vous avez à faire face ?

Ce n’est pas toujours facile de garder confiance dans sa vision, surtout lorsqu’elle n’est pas tout à fait alignée avec le monde qui nous entoure. Le plus difficile a été de trouver ma propre façon de travailler et d’être au plus proche de ce qui me correspond, même si je ne rentre pas dans les cases habituelles du marché. Ainsi, j’ai compris que mes compétences ne se résumaient pas seulement à mes compétences techniques et que mes capacités humaines et relationnelles avaient aussi toute leur place dans ma façon d’exercer mon métier d’avocate. En somme, j’ai accepté de donner toute sa part au « féminin » qui est en moi, et qui est en nous tous d’ailleurs, le « féminin » que je qualifie comme la capacité à percevoir l’imperceptible, le sensible, sans être dans la démonstration de force. Promouvoir et mettre en avant cette dimension dans la profession et plus généralement dans la société dans laquelle nous évoluons n’est pas toujours facile et nécessite de la pédagogie. Je suis convaincue que cette approche n’est pas l’apanage des femmes, mais que les femmes ont développé cette sensibilité particulière car depuis des générations, la société les a assignées à des tâches (suivi des enfants, harmonie au sein de la famille) qui ont favorisé l’émergence de cette approche.

 

Quelle est votre stratégie de développement et quelle est la place de la communication dans cette stratégie. A-t-elle évolué avec le temps ?

Je pense que la communication est au coeur de la stratégie pour un entrepreneur. Une entreprise est d’abord ce que sont ses fondateurs et la façon dont ils parviennent à le faire rayonner auprès de tout leur écosystème, clients, partenaires, collaborateurs. Le risque étant, dans les grands groupes qui changent souvent de dirigeants, d’en perdre le caractère authentique, d’arriver à une communication sans âme, une organisation déconnectée de l’humain, ce qui explique, peut-être en partie, le mal-être au travail actuel.

Concernant ma stratégie de développement, je me fie à mon instinct, j’expérimente et je tire des enseignements de mes expériences pour faire encore mieux par la suite, en tenant compte des parties prenantes et de ce qui m’entoure. Car une stratégie de développement ne peut pas être décorrélée de l’écosystème dans lequel elle est mise en œuvre, et cet écosystème est vivant. Son évolution obéit rarement à des règles linéaires. Dans ce contexte, ma boussole, c’est la conviction intime que le fonctionnement des indépendants dans le collectif est le bon équilibre pour répondre à la complexité du monde au service de l’humain. Je suis attachée à faire vivre cette conviction et à construire autour, brique après brique, avec patience et méthode.

Alors ma communication est à cette image aujourd’hui. Maintenant que j’ose avoir confiance dans ma vision. Elle est authentique, spontanée, centrée sur le partage et mes convictions profondes. Mais, elle n’est pas très régulière, elle oscille entre mes missions d’accompagnement des entreprises et des professionnels, et est de ce fait plus que largement perfectible surtout sur les réseaux depuis que nous avons de moins en moins d’occasions de nous rencontrer physiquement !

 

Si vous deviez donner un conseil à quelqu’un qui veut se lancer, quel serait-il ?

Il faut savoir s’écouter et bien s’entourer d’où l’importance d’avoir une communauté alignée sur les mêmes valeurs que les siennes.

 

Quel est votre meilleur souvenir d’entrepreneure ?

Ce sont les moments où j’ai osé. Il y a, par exemple, les moments où j’ai osé créer : le RDV des avocates, mon cabinet, puis Abyl et enfin ABYL COOP. Ce sont aussi plus quotidiennement des prises de parole, que je n’aurais jamais osé faire en dehors de ma démarche entrepreneuriale, comme des vidéos, un plateau TV ou encore une conférence.

 

Comment vous projetez-vous dans votre avenir d’entrepreneure ?

Je me vois poursuivre ma vision, faire vivre et développer l’indépendance dans le collectif pour répondre à la complexité du monde au service de l’humain, tant qu’elle trouvera résonnance ! Mon effort actuellement est de le faire sans tomber dans le travers qui m’a amenée à devenir entrepreneure à savoir sans contraindre ma propre liberté. La vie d’indépendant est déjà suffisamment stressante pour ne pas ajouter du stress lié à des objectifs, des cases à cocher, des projections, des perspectives à atteindre issues de mon propre mental. Je prends de la distance, je manage entre ce qui arrive et ce qui se construit. J’essaie de lâcher prise. Tout un programme ! Un challenge au quotidien.

 

Vous pouvez retrouver et suivre Christine Mejean sur son profil Linkedin.

 

*qui réunit des avocats, des experts comptables, huissiers, notaires, dans l’esprit du RDV des Entrepreneures lancé par Nathalie Glorel et Elodie Parier